Rapport d’orientation 2019-2020
« Réforme du travail : des Ordonnances, des syndicats bousculés, dans les négos comme dans l’exercice de leurs missions. Réforme de l’école … du chômage, de la formation professionnelle, de la SNCF. En attendant celles des retraites, de la fonction publique et des institutions. Le président Macron tient ses promesses ! ». C’était mon constat de l’an dernier. Force est de constater que depuis l’été 2018, il s’est ensablé.
« Par-delà les plans bien huilés, tracés par ces jeunes gens à la tête bien faite et à l’expérience balbutiante, nous connaitrons à coup sûr de nouvelles crises … sociales, économiques, diplomatiques, sanitaires, culturelles, voire militaires. … Quelle sera la prochaine crise ? Sur quoi portera-t-elle ? Avec quelle intensité frappera-t-elle la France ? No lo so. Mais ne nous leurrons pas, il y en aura. Et il nous faudra faire face ». Et ça, c’était ma prévision ! Prémonitoire. Il faut croire que j’ai un don … où, plus humblement, que l’histoire repasse les plats et que les signaux faibles étaient déjà perceptibles.
L’année 2019 aura été marquée par une situation d’urgence économique et sociale, déclenchée par le mouvement des « gilets jaunes », qui au-delà de perturber significativement le fonctionnement des institutions, des entreprises, des transports, etc. aura amené à une crispation démocratique délétère, à une opposition de deux France. Celle d’en-haut contre celle d’en-bas. Celle des villes contre celle des campagnes. Celle du peuple contre celle des élites. Celle du Boncoin et des territoires contre celle d’Amazon et de la mondialisation.
Est-ce le signe d’une nouvelle polarisation du paysage politique français, après un siècle de confrontation, Droite–Gauche ? Les prochaines échéances électorales seront éclairantes.
Mais ce mouvement aura aussi apporté son lot d’externalités, non moins signifiantes : – le renoncement au « nouveau monde » et à la réduction du nombre de fonctionnaires, retour aux déficits publics et aux impôts … – des milliards d’argent public distribués à la Noël au nom du pouvoir d’achat – un grand débat national, inédit, mais qui a fait pschittt, si ce n’est d’autres milliards pris dans les poches des entreprises avec une incitation forte à distribuer des primes annuelles. Une incitation que l’état-employeur n’aura pas suivie !
Je ne saurais partager avec vous ma vision de l’avenir sans une analyse de ce phénomène, et de ses impacts à court et à moyen terme sur notre économie, sur notre protection sociale et peut-être même sur notre démocratie.
Dans toute société il faut de la verticalité et de l’horizontalité.
La verticalité est celle des élites et du peuple, les élites ayant pour mission de guider le peuple. Si les élites sont héréditaires, nous sommes dans une oligarchie vicieuse. Mais s’ils sont le résultat d’une élévation sociale, accessible à tous les méritants, nous sommes bien dans une république vertueuse. Sans ignorer le poids des déterminants sociaux, moi qui ai vécu les 25 premières années de ma vie dans un pays « en voie de développement » et qui suis arrivé en France voilà 30 ans avec 2.500 Francs en poche et une forte envie de me bâtir une vie digne, j’affirme que la France est une démocratie où l’élévation sociale reste au coeur du système.
L’horizontalité est celle de la liberté de chacun : liberté de parole, liberté de pensée, liberté de culte, liberté d’entreprendre, liberté de contracter, etc.
Le lien entre ces deux dimensions est l’Homme, qui doit rester au centre de toutes les préoccupations. Celui qui apporte l’harmonie et donne son sens à ces 2 dimensions. Liberté Egalité Fraternité est un slogan qui a rarement été scandé lors des manifestations de « gilets jaunes ». Est-ce parce qu’il est obsolète ? Je ne le crois pas.
Sur quoi repose notre pacte républicain ? Sur un contrat social : une concession de nos libertés en échange de sécurité. Pour ceux que ça intéresse, lisez Thomas Hobbes et Jean-Jacques Rousseau.
Comment se traduit ce contrat dans la France de 2019 ?
– Égalité des chances
– Justice sociale
– Ordre républicain
Si tout ne fonctionne pas parfaitement en France, convenons-en, nous avons encore l’État-Providence, qui garantit une protection universelle et la dignité des plus faibles. Ce n’est pas le cas partout. Dans de nombreux pays c’est la communauté – ou les communautés ! – qui assure cette protection, quand ce n’est pas le chacun pour soi.
Cette protection fondamentale étant considérée acquise, les regards de nos compatriotes se sont tournés vers autre chose : les apparences sociales, le confort matériel, le paraître, le futile. La machine s’est emballé et nous sommes devenu une société de consommation ou le graal est devenu « le pouvoir d’achat ». Arrêtez-vous une minute sur la formule et vous en percevrez le poison. Pouvoir d’achat … Alors quand la classe-moyenne française a fait le constat qu’elle ne pouvait pas s’offrir la cuisine américaine, la douche italienne, le nième écran plat coréen, le dernier mobile chinois, les Stan Smith à 100€ pour tous les adolescents de la famille, le sac griffé Gucci pour la petite dernière, … Quand elle n’a plus pu faire face au coût de la 2° voiture (même française), le sentiment de déclassement est arrivé, lourd, oppressant, humiliant. Et avec lui les passions tristes de Spinoza : la tristesse, la peur, la haine…
Nous autres assureurs, nous nous retrouvons tous dans une mission commune qui est celle de protéger, d’accompagner et de préparer à un avenir meilleur.
La « Garantie d’une vie digne » plutôt que la course à l’échalote du « Pouvoir d’achat ».
Aussi, quelle ne fut pas ma tristesse quand, au début de cette année, nos gouvernants ont décidé d’instaurer une « résiliation infra-annuelle sans frais » des contrats des complémentaires santé au motif de la concurrence, afin de rendre du pouvoir d’achat. Une promesse de dupes. Le début d’une longue série de mesures populistes ?
Les projets en ce sens foisonnent. Chacun dans son couloir y va de sa « réforme ». Chaque cabinet ministériel, service central de l’administration, comité Théodule, … appuyés par de nombreux think-tanks et autres cercles d’experts, avancent en conscience vers leurs objectifs, souvent d’économie à court-terme d’ailleurs, sans préoccupation des effets transverses sur le long-terme :
– L’abandon de l’objectif de l’équilibrage des comptes publics et de la réduction de la dette (au passage, le 1° renoncement des ambitions du candidat Macron)
– Le rabotage des allocations chômage des cadres (le hold-up est en cours)
– L’indexation des retraites pour les seules retraites < 2.000€
– Le « recadrage des mutuelles » sur les tarifs 2019 par la ministre de la santé
– …
Une question cruciale se pose alors : celle du consentement à la solidarité, et son corollaire, le consentement à l’impôt. Je vois en effet de gros nuages s’amonceler sur notre « vieille » protection sociale et les risques s’accumuler d’une réduction des prestations pour les « plus aisés », tout en augmentant leurs contributions. Par exemple, une sécurité sociale solidaire, aux prestations plafonnées, financée par l’impôt et gérée par l’état, assortie d’une assurance supplémentaire individuelle, assurancielle, libérale, pour les « riches ». Les classes populaires n’y verront que justice sociale.
L’Administration une mission d’intérêt général de plus, légitimant son hyper-présence. Les politiques, par facilité, ignorance, cécité, ou lâcheté, une mesure « populaire » et gratuite. Mais quid du financement ? Quid de l’inscription dans le temps long ?
Le système de retraite universelle sur lequel Jean-Paul Delevoye travaille avec ardeur et grande subtilité va probablement être capé à 3 plafonds sécu (environ 120 K€/an). Il pose la question des salaires au-dessus de cette tranche et, plus embêtant encore, les engagements antérieurs pris sur les cotisations passées sur les tranches de rémunération supérieures à 120 K€ (estimation 8 milliards d’euros ?).
Sur le chômage, le gouvernement s’apprête, après l’échec des négociations entre les partenaires sociaux – menées sous un encadrement rigide du gouvernement faut-il le rappeler – à écrêter les allocations chômages sur les tranches de salaires les plus hautes (pour lesquelles, faut-il le rappeler ils ont cotisé).
Quand on sait que les cadres contribuent pour 42 % ressources de l’assurance-chômage et ne consomment que 15 % des prestations, on peut donc considérer que la solidarité inter-catégorielle fonctionne déjà.
Était-il besoin de pointer du doigt ceux qui ont réussi dans leur activité professionnelle salariée ? Ces « nantis » livrés à la vindicte populaire par un pouvoir politique – dont les 4 principaux acteurs sortent de la même matrice de la république – à la recherche de « caution populaire ». Une mesure populiste, qui ne contribuera en rien, ni à la cohésion sociale, ni à l’incitation à l’efficacité, ni à l’égalité … et encore moins à l’élévation sociale. Mais qui interrogera encore un peu plus le consentement à l’impôt. En effet, certains dans notre société sont et seront des contributeurs nets toute leur vie, par leur travail, par leur situation sociale, par leur réussite. D’autres seront bénéficiaires. Nous autres assureurs, dont le principe de base est la mutualisation, comprenons très bien ce système. Nous en connaissons les règles, les vertus et les limites. Si demain, les contributeurs ne retrouvaient pas, sous quelque forme que ce soit, un retour à leur contribution à l’équilibre du système, il seraient en droit de dénoncer ce contrat.
Notre modèle social n’est pas un modèle universel et il en existe bien d’autres qui fonctionnent. Mais il faut être conscient que changer notre modèle social, qui est au coeur du pacte républicain, induirait beaucoup d’autres transformations, sociales, économiques, politiques, … Ebranler le consentement à la solidarité nous engagerait sur un chemin inconnu, escarpé et incertain. Ayons bien ça à l’esprit. Ce sera le thème de notre soirée-débat 2019.
Pour finir ce long tour d’horizon, je voudrais dire un mot de la prévision de l’ancien président de la république François Hollande d’une arrivée du FN au pouvoir. Elle m’a interpellée au-delà de la manipulation politicienne. Est-ce probable ? Je ne saurais dire. Possible en tous cas ! Nous ne devons jamais l’oublier. Les résultats électoraux de l’Autriche, des Pays-Bas, de l’Italie, le Brexit, l’élection de Trump, … sont là pour nous rappeler que nous sommes condamnés à réussir. Malheureusement, le manque d’expérience du gouvernement comme celui de nombreux députés-stagiaires de la majorité actuelle me fait craindre que nous ne sommes pas au bout de nos peines. La vague qui les amenés au printemps 2017 pourrait d’ailleurs bien les remporter vers le large à la prochaine échéance. Mais nous, entreprises, cadres, employés, citoyens, acteurs engagés, républicains, organisations patronales, syndicats de salariés, corps intermédiaires, … nous serons toujours là et nous devrons assurer.
L’avenir est devant nous et il nous revient, à nous, cadres dirigeants, … élites – le mot ne me fait pas peur, je l’assume pleinement – de garder l’esprit clair et de porter notre regard au loin. L’avenir reste ardu et incertain, mais il sera celui que nous en ferons. C’est tout le sens de notre engagement.
Un marché de l’Assurance toujours très animé
– Les grands acteurs généralistes se tiennent, tout en s’inquiétant de la poursuite de la baisse des rendements financiers. Il faut dire que c’est l’assurance vie qui nourrit encore le marché
– Les IP et mutuelles santé poursuivent leurs consolidations, avec plus ou moins de réussite
– Les acteurs affinitaires restent droits dans leurs bottes prenant appui sur leurs marchés respectifs pour se développer : SMA, MACSF, AGPM, ProBTP, IRCEM, …
– Quelques « villages gaulois résistent encore et toujours … » selon la formule consacrée d’Uderzo, … je crois inutile de les citer
– Le courtage se déploie, sur le conseil mais d’avantage encore sur la gestion – Quelques grands acteurs se cherchent une stratégie de long-terme, je pense notamment à MACIF, MAIF, LMG ou à Klésia – Aucun nouvel entrant « disruptif » n’est venu révolutionner le marché. Le plus en vue, Alan, brille moins par ses parts de marché que par sa capacité à influencer le législateur dans la mise en place d’une possibilité de résilier sa complémentaire santé à tout moment et « sans frais » … – La « Blockchain » remplace l’« IA » dans les conférences et les titres de journaux spécialisés. L’intelligence artificielle avait elle-même pris la place de la « Transformation digitale » … il faut bien que tout le monde croûte
– Et pendant ce temps-là les bancassureurs, tirant pleinement parti de leur modèle de distribution, continuent d’engranger des parts de marché
Et l’UDAP là-dedans, me direz-vous ?
Nous restons lucides, nous restons un tout petit rouage dans un environnement global.
Pour autant, tel le colibri, nous faisons notre part du job et nous nous inscrivons dans une action collective plus grande que nous. Ainsi lorsqu’à l’UDAP nous portons la voix des directeurs, nous ne nous intéressons pas qu’au bien-être d’une élite. Et plus généralement à la CFE-CGC, nous ne nous intéressons pas qu’aux cadres. Mais bien au contraire, nous travaillons à une société plus juste, plus solidaire, plus inclusive, où chacun doit avoir une place.
Pour l’UDAP, les choses avancent et le bilan que je fais depuis notre dernière AG est très encourageant :
- Une nouvelle soirée-débat 2018 très réussie, avec François Hommeril, président de la CFE-CGC, en guest star
- Un dossier de fond sur la Génération S et les perspectives de travail après 55 ans, qui a bien avancé et qui va donner lieu à des propositions dans l’année à venir
- L’enquête sur les cadres dirigeants, menées avec BVA, qui nous aura apportés de nombreux éclairages sur le cap, en même temps qu’une visibilité significative dans la profession : dossier central de l’Argus et 1° page de La Lettre de l’Assurance
- Une place bien comprise au sein de la fédération de l’assurance et de la confédération CFE-CGC
- Une notoriété qui s’améliore auprès des dirigeants, l’enquête aura bien aidé
- Des adhésions orientées à la hausse (même si on n’est toujours pas assez nombreux)
- Une situation financière saine
- Un conseil national qui s’est enrichit et qui travaille dans la joie (je rappelle qu’il s’agit de cadres dirigeants bénévoles qui donnent de leur temps en sus de leur travail et de leurs activités personnelles et familiales)
- Des PDJ très intéressants et … qui font salle comble
- …
Nous pouvons être fiers de notre année : nous sommes sur le bon chemin. Nous avons enregistré cette année plus de 20 nouvelles adhésions. Nous comptons 85% d’actifs, près de 20% de DGx en activité et 20% de femmes.
Mais il nous reste encore beaucoup de travail sur la planche.
Les services que nous apportons à nos adhérents
- Notre soirée-débat 2019, avec des débatteurs de très grande qualité, notamment Régis de Laroullière et Pierre Mayeur qui nous ont déjà donné leur accord de principe, sera un grand moment républicain. Date à fixer, dans la 2° quinzaine de novembre.
- Le déploiement de nos propositions sur la Génération S.
- La déclinaison des enseignements de l’enquête Cadres dirigeants 2019, notamment la création d’un Prix UDAP du DRH-Stratège de l’année. Rdv au printemps 2020
- La poursuite des négociations portant sur l’extension de la commission des bons offices, aux directeurs de la mutualité (avec l’ANEM) et des IPRC (au-delà des principes de communication déjà conclus avec l’association des employeurs)
- La montée en puissance de nos PDJ, après une 1ère année encourageante
- Et, toujours, conseiller et accompagner ceux des nôtres qui vivent une phase délicate de leur carrière professionnelle
Mais aussi …
- Renforcer notre visibilité et notre notoriété dans la presse professionnelle : des prises de position et des communiqués de presse plus nombreux
- Augmenter le nombre de nos membres pour atteindre à MT un taux de représentativité supérieure à la moyenne nationale du secteur privé (11%), ce qui pour la typologie de notre population serait un véritable exploit
- Entreprendre une campagne de sensibilisation auprès des dirigeants des organismes d’assurance quant à l’utilité de l’UDAP, par exemple sur les fonctions clés avec l’idée d’une assurance RC Pro + PJ
- Positionner l’UDAP comme un interlocuteur incontournable au sein de la profession auprès des organismes employeurs, FFA, ANEM, Association des employeurs AGIRC-ARRCO-CTIP, CSCA, …
- Accélérer les partenariats avec les autres organisations qui agissent dans notre environnement : IA, ADOM, …
- Accentuer notre contribution au sein de la fédération assurance et de la confédération CFE-CGC
- Développer les liens avec les autres fédérations de la CFE-CGC
Lors du prochain conseil UDAP, nous établirons un plan de travail où les chantiers seront répartis entre les membres. Chacun pourra ainsi développer son plan d’action au plus grand bénéfice de l’organisation et de ses membres.
Je ne saurais toutefois parler de notre plan d’action sans exprimer préalablement mes remerciements à tous les membres du Conseil d’administration – ceux qui nous rejoignent, Marie-Hélène Séguy et Charles-Etienne de Cidrac, comme ceux qui renouvellent leur engagement – qui de leur propre volonté consacrent de leur temps personnel à l’UDAP sans en attendre en retour ni rémunération ni honneurs, si ce n’est la satisfaction personnelle d’avoir donné aux autres et d’oeuvrer à une société un peu meilleure.