LE ROLE DES ASSUREURS DANS LA REINDUSTRIALISATION — Synthèse du petit-déjeuner du 27 mai 2024

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Face à la montée des risques géopolitiques mondiaux, la France cherche à se réindustrialiser. Dès leur construction, et pendant leur exploitation, les nouvelles usines doivent être assurées : les gigafactories, les nouvelles infrastructures « du siècle » comme le Grand Paris sont en cours de réalisation. Toutefois, les compétences techniques sur les risques étant moins disponibles, l’appétit des assureurs se détourne-t-il du secteur ? Et les normes environnementales, beaucoup plus strictes, sont-elles un frein ? Comment le secteur de l’assurance et de la réassurance peuvent-ils accompagner ce nouveau mouvement de réindustrialisation ? Quelles sont les compétences disponibles pour analyser et réduire les risques ? La démarche est-elle encore possible au niveau français ou faut-il une démarche européenne ?

Claude Noël apporte son éclairage sur les « vents porteurs » et les « vents contraires ». Directeur de la construction chez Howden, est un spécialiste de l’accompagnement de la recherche de couvertures pour les projets complexes : nouvelles infrastructures, énergies renouvelables, nouvelles usines… Il aide les clients à réduire leurs risques et les assureurs à apporter des solutions de couverture adaptées. Premier courtier européen créé il y a seulement 30 ans, Howden réalise 3 Md€ de chiffre d’affaires dans 100 pays et est installé en France depuis 2 ans. Claude a travaillé sur de très grands projets : l’EPR de Flamanville, le Grand Paris , le tunnel Lyon Paris ou le Canal seine Nord Europe (1).

 

1/Les « vents porteurs » : les assureurs aiment l’industrie

La 7ème édition de Choose France a réuni à Versailles, le 13 mai dernier, des dirigeants et patrons français et étrangers, autour d’Emmanuel Macron, en vue de les inciter à investir. Un événement certes vite balayé dans l’actualité par les émeutes en Nouvelle Calédonie. Pour rappel, la France est le premier pays pour les investissements européens.

Cependant, rappelons qu’il n’y a pas d’industrie sans assurance. Elle est présente de 2 façons :

  • les financiers prêtent de l’argent et étudient le transfert de risques à l’assurance
  • Les maîtres d’ouvrage protègent leur projet : selon les différentes études menées, environ le tiers des risques sont éligibles à l’assurance

Par exemple, sur un grand projet d’infrastructure  la provision pour risques avait été baissée. Ce qui a entrainé une baisse du financement du risque, la structure d’analyse et la prévision d’investissement.

La réindustrialisation de la France passe par de grands chantiers ainsi que par la construction de Gigafactories, telle que l’usine inaugurée en mai 2023, à Douvrin (Pas-de-Calais) par ACC (Stelantis, Mercedes-Benz et TotalEnergies), destinée à devenir la 1ère usine de fabrication de batteries automobiles ou encore par les très grands projets dans l’énergie solaire, à réaliser d’ici 2025 à Fos-sur-Mer, site historique des énergies fossiles. Des projets industriels colossaux à 2,5 Md€.

Les assureurs peuvent-ils suivre ?

Les risques à traiter sont ceux relatifs à la Pollution , la période de construction et en France le sujet des assurances décennales notamment en face de projets innovants .

Mais les atteintes à l’environnement particulièrement sur des sites classés Seveso (sites qui produisent ou stockent des substances pouvant être dangereuses pour l’humain ou l’environnement) sont particulièrement exposées, sans compter le risque de recours des riverains sont également des freins pour tout projet.

Les grands projets industriels suscitent l’appétit des assureurs. La limite est cependant celle des « capacités » à engager, car au-dessus de 500 M€ de capital souscrit, notamment lorsque  les projets sont  innovants, dans le domaine de l’énergie particulièrement  auxquels s’ajoutent les pertes d’exploitation qui peuvent monter jusqu’à 1Md€, voire 1,5 Md€ obligent à trouver des capacités d’assurance sur  les marchés internationaux.

Les capacités d’assurance en France atteignent à peine 1Md€, assurance et réassurance comprises, en fonction des scénario de « sinistres maximum possibles » par exemple.

Pour trouver des assureurs, il faut améliorer la compréhension du risque pris et donc le modéliser, en faisant travailler ensemble les ingénieurs de l’assurance et ceux du projet industriel.

Les assureurs présents en France disposent  dans le meilleur des cas, de 200 M€ de capacité d’assurance. Et si le risque n’est pas assez lisible ces capacités ne seront pas engagées en totalité.

Par ailleurs ,en cas de construction sur des sols  de mauvaise qualité les études de sols seront examinées avec beaucoup d’attention par les souscripteurs.

Sur des grands projets souterrains il est évident que lorsque que le ratio sinistres/primes a pu atteindre  2 000 % (cas des tunnels), le risque devient inassurable, sauf à introduire des franchise très élevées ( parfois en M€) et démontrer une réelle stratégie de prévention.

Les grands projets dans le nucléaire sont lancés depuis quelques années ; pour eux les assureurs ont été au rendez vous .

2/Les « vents contraires » : les assureurs n’aiment pas la décennale et l’éolien offshore

Dans certains domaines, les assureurs français sont absents. C’est le cas des champs d’éoliennes offshore, car le risque est considéré comme trop important. Conséquence : la totalité du parc éolien offshore est assuré par les marchés de l’assurance de Londres et des pays nordiques. Et c’est dommage, car l’assurance participe de la réindustrialisation en France. Dans le Sud de la France, un projet d’assurance d’un parc éolien à 250 M€ a nécessité 4 ans de travail avant d’être assuré.

Sur le solaire, les assureurs freinent car ils sont encore influencés par la première séquence des incendies de panneaux de mauvaise qualité. Aujourd’hui, ce n’est pourtant plus le cas et cela depuis 5 ans. Et quand les panneaux solaires se trouvent sur des entrepôts, ceux-ci ne trouvent plus à s’assurer en multirisques des bâtiments. Il devrait être possible d’assurer séparément des panneaux photovoltaïques sans qu’ils soient soumis à l’assurance décennale.

En effet, selon la jurisprudence, l’ensemble du bâtiment qui a installé ultérieurement des panneaux solaires sur son toit est soumis au régime d’assurance de la décennale couvrant les dommages survenus après la réception des travaux pendant 10 ans, avec en plus l’inflation sur le coût des matériaux sur cette durée d’assurance.

Être dans l’insécurité juridique met tous les professionnels  dans l’insécurité. L’assurance dommage ouvrage est en panne et du coup des assureurs dits exotiques font faillites faute de provisions suffisantes (2). Les constructeurs ayant souscrit auprès d’assureurs défaillants ont dû reconstruire. La loi pourrait dire que les panneaux solaires n’entrent pas dans la catégorie de l’assurance décennale. C’est aussi le cas pour le réemploi  considéré comme «  technique non courante ».

Des réflexions devraient être entreprises par le législateur, car l’assurance décennale, spécificité française, constitue un frein à la réindustrialisation. Des freins qu’on ne retrouve pas au Royaume Uni, dans les pays nordiques, en Allemagne, en Italie et en Espagne.

 

Au total

Les courtiers doivent  trouver des capacités hors de France, sinon les projets industriels ne se feront pas .

Les contrats de financement d’un projet industriel comporte une annexe assurance , les programmes souscrits doivent être absolument conformes.

L’assuré est le mieux placé pour parler de son risque. Un dialogue doit s’instaurer pour instaurer la confiance et les actuaires modélisent les projets complexes pour faire du sur-mesure sur des sujets variés et complexes, telles que les infrastructures et l’énergie. Par exemple, pour la modélisation du projet de la Société du Grand Paris  – vaste projet de réseau de transport public avec 4 lignes de métro automatiques autour de Paris et l’extension de 2 lignes existantes d’une longueur de 200 kilomètres : l’impact sur le bâti est considérable et a nécessité un système de surveillance par satellite et l’IA afin de pouvoir arrêter le tunnelier en cas de mouvements anormaux des sols. L’Institut des actuaires travaille sur les données spatiales et géologiques.

Axa, Allianz et Swiss Re sont les assureurs leaders en capacité d’assurer les très grands projets en France, avec une exposition maximale de 200 M€ chacun. Une capacité insuffisante qui nécessite le recours à les assureurs hors de France.

L’assureur a la responsabilité aussi d’accompagner le développement économique et pas seulement l’environnement et le social.

 

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