DEFIS REGLEMENTAIRES ET STRATEGIQUES POUR L’ASSURANCE DE PERSONNES – Synthèse du petit-déjeuner du 17 décembre 2024

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Les discussions sur le PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale) sont concentrées depuis sa création sur des ajustements comptables alors que le système de soins français et la couverture des assurés sont confrontés à de nombreux défis. Comment le rôle des différents acteurs peut-il évoluer ? Comment la gouvernance du système peut-elle être améliorée ? Quel rôle donner à la prévention ou encore à la lutte contre la fraude ? Comment améliorer la pertinence et l’efficience des soins ?

Anne-Sophie Godon-Rensonnet, Responsable de la commission santé-prévoyance de l’Association pour le Développement de l’Assurance Française (ADAF) et vice-présidente de l’UDAP, a apporté son point de vue sur le sujet. Spécialiste de la santé en entreprise depuis plus de 30 ans, Anne-Sophie est Directrice accompagnement social et prévention en entreprise de Malakoff Humanis. Au-delà de son engagement dans l’assurance et la protection sociale, elle est également professeure associée au CNAM.

L’Association pour le Développement de l’Assurance Française (ADAF) réunit 14 organismes d’assurance parmi les plus gros acteurs (80 % du chiffre d’affaires en France). Cette association comporte 6 Commissions dont l’une traite des sujets santé et prévoyance, animée par Anne-Sophie Godon-Rensonnet. Elle réunit mensuellement différents groupes de travail et les DG des organismes représentés. Réflexions/prospective sur la place des assureurs santé dans le système de santé; dialogue/co-construction et partenariat public/privé sont au cœur des travaux du think tank. Sa vocation : dégager des consensus qui pourront être partagés avec les 3 Fédérations professionnelles de l’Assurance (CTIP, FNMF et France Assureurs).

Après la censure du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025 et la démission le 5 décembre du Premier Ministre, la loi n’a pas été votée. Mais au-delà de ce sujet règlementaire annuel, les visions stratégiques divergent entre l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et l’Assurance Maladie Complémentaire (AMC). A tel point, que faute de pouvoir regarder l’évolution de notre système de protection sociale à long terme, le PLFSS n’est pas un lieu de débats sur les sujets de fonds mais de recherche des ressources financières et de discussions sur les montants à transférer de l’AMO vers l’AMC.

Quelques constats s’imposent :

  • Le déficit de notre système de santé approche les 18 milliards d’euros et l’absence de décision pour 2025 accentuera ce déficit, sans aucune perspective de retour à l’équilibre. Avec un déficit annuel entre 15 et 20 Md€ par an, notre système souffre d’un mal chronique avec des problèmes grandissants et donc une logique économique centrée sur la recherche de solutions financières immédiates.
  • Les risques à couvrir ne cessent d’augmenter : montée des atteintes à la santé mentale, risques environnementaux et épidémiques, augmentation des arrêts de travail et de leur coût…
  • Dans les entreprises, y compris les grandes, les courbes Accidents du Travail Maladies Professionnelles (ATMP) se dégradent à nouveau, malgré les efforts de prévention.
  • Les difficultés économiques ont des conséquences en matière de chômage ou de précarité de l’emploi. Des situations dans lesquelles préserver sa santé est un enjeu encore plus important. Elles auront des conséquences plus larges sur les cotisations sociales.
  • Et dans le secteur tertiaire, il convient aussi de prendre en considération les conditions de télétravail ou de travail hybride. La Fédération Assurance CFE-CGC (6 syndicats de cadres de l’Assurance) a interrogé ses membres sur les nouvelles organisations du travail et conduit des réflexions. Elles ont permis d’ajouter ce sujet à l’agenda social de la branche Assurance (cf l’intervention de Francky Vincent, son président à l’After work de l’UDAP, le 1er octobre).
  • Les coûts à la charge des assureurs santé ne cessent d’augmenter :
  • Les prises en charges en optique, dentaire et audioprothèses, augmentent plus vite que la moyenne.
  • Si l’AMO fait face aux dépenses croissantes des personnes en situation d’affection longue durée (ALD), il en est de même pour l’AMC en raison du coût des pathologies connexes.
  • Face à l’augmentation des déficits, différents transferts ont été opérés par l’AMO dans les dernières années. D’autres étaient prévus en lien avec le PLFSS. Les assureurs santé et prévoyance n’ont pas d’autre choix que d’augmenter en conséquence leurs tarifs.
  • Toutes taxes confondues, le taux de taxation des contrats santé solidaire et responsable atteint plus de 19%. Un montant élevé pour un bien essentiel…
  • Les contrats non responsables se développent. Selon plusieurs acteurs, entre un quart et un tiers des contrats santé individuels souscrits en 2024 proposant une couverture « entrée de gamme » ne répondent plus aux critères du contrat responsable. Ces contrats non responsables peuvent en effet offrir des tarifs plus attractifs malgré la taxe de 20 % car les garanties sont plus limitées et qu’ils offrent plus de flexibilité dans leur choix. Ce n’est pas une solution et cela risque d’accentuer les inégalités d’accès aux soins.

 

  • Notre système mérite des débats de fonds sur plusieurs sujets majeurs :

1/Favoriser l’accès aux soins pour tous

Déserts médicaux, temps d’attente pour obtenir une consultation, problèmes de l’hôpital, fermeture d’établissements et de lits, pénurie de professionnels de santé… Résultat : une gestion inadaptée entre les besoins de nos concitoyens et les ressources. Donner accès aux soins pour tous, c’est aussi limiter le renoncement aux soins notamment pour des raisons financières. C’est l’un des rôles majeurs de l’AMC que de diminuer le reste à charge des patients. En France, ce dernier est d’ailleurs l’un des plus faibles parmi les pays européens.

2/Améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé

Alors que l’Union Nationale des Professionnels de Santé (UNPS) fête ses 20 ans, les conditions d’exercice libéral se complexifient, elles pèsent sur leur propre santé et conduisent certains à préférer le salariat.

3/Lutter contre les fragilités et les inégalités sociales de santé

Les fragilités et inégalités de santé différent selon les catégories socioprofessionnelles : les plus élevées suivent davantage les recommandations de prévention et les autres CSP, mal informées ont souvent moins accès à la prévention et aux professionnels de santé. Dans ce contexte, une stratégie pour « Aller vers » les populations vulnérables constitue un enjeu majeur.  Y compris au sein des entreprises, où le débat autour du développement de garanties prévoyance essentielles au même niveau, pour les non-cadres et les cadres dans les branches professionnelles, est posé.

4/Prendre en charge les conséquences du vieillissement de la population

Le vieillissement de la population entraine l’augmentation des maladies chroniques et des coûts associés mais pose des questions plus larges en matière de prise en charge de la dépendance et l’aide aux proches aidants.

5/Mieux utiliser la data et le numérique

La question de l’accès au numérique, notamment pour les plus âgés ou pour certains professionnels de santé, reste un sujet d’actualité.

Le risque cyber est réel et nécessite la mobilisation de ressources plurielles mais aussi l’adoption de comportements préventifs.

L’usage de la donnée est clé pour permettre une prévention personnalisée et proactive ou encore lutter contre la fraude. Or, la réglementation européenne est de plus en plus restrictive sur l’utilisation de la data par les assureurs santé. Et à défaut d’un cadre réglementaire français clair et favorable permettant un usage encadré des données utiles à plus de prévention ou plus de lutte contre la fraude, ces derniers se voient malheureusement empêchés de jouer pleinement leur rôle.

Enfin, et de manière plus large, il reste des champs à explorer pour tirer pleinement parti du numérique (prévention des risques, télésanté…)

6/Financer l’innovation

Se soigner coûte de plus en plus cher en raison de la sophistication des technologies et des nouveaux traitements, en particulier quand ils sont personnalisés pour certaines maladies graves. La question de leur financement se pose avec plus d’acuité.

  • Pour autant, des solutions peuvent être trouvées :

1/Améliorer l’efficience de notre système : coordination ; parcours de soins ; abus et gaspillages…

2/ Décloisonner la santé publique, la santé au travail et la santé environnementale

3/S’inscrire dans une vision pluriannuelle afin de mettre fin au courtermisme qui prévaut dans les décisions. Pour cela, il faut s’entendre sur des priorités et enjeux, en matière de prévention pour agir sur la dépense et Lutter contre la fraude (aux cotisations et aux prestations AMO et AMC) avec des montants qui pourraient s’élever à 15 Md€ par an et des techniques de plus en plus sophistiquées.

  • Enfin, renforcer le rôle des assureurs santé en leur permettant de prendre plus d’initiatives, par exemple en matière de prévention ou de lutte contre la fraude.
  • Il faut tout d’abord une gouvernance plus efficiente notamment entre AMO et AMC. Les relations restent complexes en l’absence d’agenda commun, d’espace de dialogue et de co-construction.
  • Le rôle des assureurs santé en matière de prévention ou encore de lutte contre la fraude n’est pas suffisamment reconnu y compris dans les textes. Cela a des conséquences quand il s’agit par exemple de discuter de l’accès aux données qui leur seraient utiles.
  • La réforme du contrat santé responsable semble faire consensus comme l’atteste le rapport d’une récente mission sénatoriale. La mise en œuvre du 100 % santé n’a fait que renchérir son coût. Le contrat responsable ne permet plus de personnaliser les offres et son socle de garanties obligatoires est devenu trop coûteux, pour les retraités notamment.
  • Sans attendre, les initiatives nombreuses déjà prises mériteraient d’être valorisées et contribueraient aussi à améliorer l’image de l’Assurance. A titre d’exemple, les 3 familles de l’Assurance représentées par leur fédération (CTIP, FNMF et France Assureurs) ont signé un accord pour intervenir en prévention dans les domaines de la santé mentale, la nutrition et l’exercice physique.
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