HARCELEMENT : RISQUES ET PREVENTION – SYNTHESE DU PETIT-DEJEUNER DU 3 AVRIL 2025

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Nous sommes maintenant plus sensibles et sanctionnons plus le harcèlement en milieu professionnel. Toutefois, la plupart des harceleurs le sont sans le savoir et sans volonté de nuire. Qu’est-ce que le harcèlement ? Où est la frontière entre une saine pression et un environnement toxique ? Comment le détecter au sein de nos équipes ? Comment le prévenir ?

Catherine Etévé, a débuté sa carrière dans l’assurance chez Axa, a été DRH internationale chez Skandia et Beeline. Depuis 2021, elle a créé son propre cabinet d’accompagnement des équipes dirigeantes dans leur gestion de l’humain pour faciliter le changement. Elle apporte son éclairage.

1/Le harcèlement est défini dans de Code du travail

Tous agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d’un salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Dans cette définition, les notions n’étant pas précisées, il convient de les interpréter :

  • Tous agissements répétés: au moins 2 fois (1 fois suffit pour le harcèlement sexuel).
  • Ayant pour objet ou pour effet: l’intention ne compte pas, mais seul l’impact sur la personne. C’est donc une notion subjective qui oblige à comprendre ce que ressent la personne.
  • Dégradation des conditions de travail: recouvrent les aspects matériels (contraintes physiques, moyens, conditions sanitaires…) ; organisationnels (temps de travail, rythme de travail, autonomie et marge de manœuvre…) et psychosociaux (les relations avec les clients, la hiérarchie et les collègues, le sentiment d’utilité…)
  • Porter atteinte aux droits d’un salarié. En se référant aux 10 droits fondamentaux du salarié, cela implique : traitement équitable et non discriminatoire ; droit à la santé à la sécurité au travail ; respect de la vie privée ; respect du temps de travail et de repos ; rémunération équitable ; formation professionnelle ; liberté syndicale et représentativité ; information sur ses droits et devoirs ; protection contre les licenciements abusifs et conciliation vie privée/vie professionnelle.
  • Porter atteinte à la dignité d’un salarié. En se référant à la définition du Code pénal sur les atteintes à la dignité, il s’agit de : la traite d’êtres humains ; la discrimination ; le proxénétisme ; le bizutage ; les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité. Pour le Conseil constitutionnel, le principe de sauvegarde de la dignité humaine protège toute personne contre les actes dégradants ou inhumains qui pourrait la rabaisser au rang de chose. Dans l’entreprise, il peut s’agir par exemple de : critiques incessantes ; sarcasmes répétés ; brimades ; humiliations ; propos calomnieux ; insultes ; menaces ; mise au placard ; conditions de travail dégradantes ; refus de toute communication ; absences de consignes ou consignes contradictoires ; tâches dépourvues de sens ou sans rapport avec la fonction.

Pour éviter de porter atteinte à la dignité d’un salarié, il faut garder présent à l’esprit qu’on a un égal en face de soi.

Mais une telle posture est parfois difficilement compatible avec le lien de subordination prévue dans le contrat de travail qui fausse cette relation d’égal à égal. Il faut donc trouver un équilibre entre ces deux contraintes. Un équilibre plus difficile à trouver parce que le rapport à l’autorité a évolué. Les plus jeunes ont parfois plus de mal à s’y soumettre que leurs aînés au même âge, à juste titre dans certains cas, quand ils ont vu leurs parents maltraités et considérés comme une marchandise jetable. Pour cette raison, le droit progresse en fonction des évolutions de perception de la maltraitance.

 

2/Ne pas confondre harcèlement et exercice de l’autorité de l’employeur

« Mon manager me demande régulièrement des explications sur la gestion de mes dossiers. Il semble surveiller mon travail et cela me stresse ! Lorsque je fais des erreurs, il me fait des reproches. »

Peut-on qualifier cette plainte d’un salarié de harcèlement ou de l’exercice normal de l’autorité de l’employeur ? En fait, sans plus de précisions, il n’est pas possible de répondre. En effet, le supérieur hiérarchique dispose de pouvoirs de direction et de contrôle, d’un pouvoir disciplinaire et il peut refuser une demande d’un salarié. Cependant, tout réside dans la manière d’exercer ces pouvoirs et de donner des ordres : refus répétés de demandes de congés, hyper-contrôle, des ordres donnés en criant, des remontrances devant les autres, indifférence au manque d’expérience ou à l’âge du collaborateur… Le supérieur hiérarchique doit donc traiter son subordonné comme son égal, tout en exerçant son autorité.

Autre exemple, tiré d’une situation réelle : un cadre de direction a travaillé pendant 20 ans dans la même entreprise. Très appliqué, il aime aller dans le détail et il s’est toujours beaucoup investi. A force de travail, il a été promu au comité de direction. Un nouveau dirigeant s’agace de sa lenteur et le considère comme quelqu’un de tatillon. Résultat : il découpe son poste ; disperse son équipe, le court-circuite et son poste perd de son sens. De décisionnaire, le cadre de direction devient exécutant. Sans cesse fliqué par son supérieur et assigné à tes tâches qui ne correspondaient pas à sa fonction, il l’appelle « papy » en réunion et il lui crie dessus. Et tous les vendredis, il lui envoie un mail récapitulant tout ce qu’il avait mal fait. Le cadre redouble d’efforts pour montrer à son nouveau supérieur qu’il est performant, mais il ne dort plus, développe un eczéma sévère, tout en ressentant de la honte de ne pas se sentir à la hauteur… jusqu’au jour où il lui est impossible de se lever. Dans cet exemple, il s’agit d’un cas de harcèlement, aux conséquences graves pour la santé du salarié – burn out.

Rappelons néanmoins que le harcèlement moral peut également être exercé par des pairs ou des subordonnés.

3/L’employeur a un devoir de prévention, d’alerte et de gestion du harcèlement

  • Prévention : par la formation et l’information (certains managers le sont depuis 15 ans sans jamais avoir été formés à cette mission) ; l’affirmation claire par écrit que le harcèlement et la violence au travail ne sont pas tolérés (annexé au règlement intérieur) ; une entreprise de plus de 50 salariés doit désigner un lanceur d’alerte (selon le Code du commerce) ainsi qu’un référent au CSE, en cas d’agissements sexuels et sexistes dénoncés. Un Document unique d’évaluation des risques doit être tenu à jour.
  • Alerte : aucun formalisme n’est exigé (le médecin du travail peut le faire), mais un écrit est nécessaire pour prouver la date et la réalité de l’alerte, sans que l’emploi du mot harcèlement ne soit nécessaire. Dans ce cas, le salarié bénéficie d’une obligation d’alerte et d’un droit de retrait, si la situation de danger est grave et imminente.
  • Gestion : l’employeur doit prouver qu’il a mis tout en œuvre pour prévenir et faire cesser immédiatement les faits de harcèlement. Dès qu’il y a plainte, l’employeur doit agir, sans retard, même si les faits ne sont pas avérés par la suite. Il peut y avoir une phase informelle pendant laquelle une personne ayant la confiance de la direction et des salariés peut donner un conseil et prêter assistance. Ensuite, la plainte doit être suivie d’une enquête où toutes les parties doivent bénéficier de la même écoute et de la même impartialité. Les plaintes doivent être étayées par des informations détaillées. Les fausses accusations délibérées peuvent faire l’objet de sanctions. Un médiateur peut être nommé et doit être approuvé par toutes les parties. L’employeur n’a pas obligation d’associer le CSE à l’enquête, mais il peut le faire en fonction des circonstances. Le CSE a le pouvoir de contraindre l’employeur à l’action au travers de questions au CSE ou en ayant recours au droit d’alerte.

4/Des facteurs de risques organisationnels et sociaux

  • Facteurs organisationnels : lors d’une réorganisation, une situation de flou dans le « qui fait quoi ? » ou lors des Entretiens annuels d’évaluation, l’existence de critères inéquitables d’évaluation du travail ; une promotion d’un salarié manquant d’expérience, sans accompagnement ; l’imprécision sur la manière d’exercer le travail ; la dépendance à un autre salarié pour faire son travail et l’iniquité de traitement.
  • Facteurs sociaux : conflits éthiques ; forte demande psychologique (dans les métiers du soin par exemple) ; manque d’information et de collaboration ; contraintes de rythmes de travail (la surcharge de travail ne doit pas être la norme) ; manque d’autonomie ; changement organisationnel.

5/Mesures à prendre pour un exercice sain de l’autorité au niveau de l’employer et du manager

  • Pour un exercice sain de l’autorité au niveau employeur : un cadre RH sain, partagé et des règles claires, transparentes et communiquées à tout le monde sur la manière de faire avec la définition des postes, les règles de l’Entretien Annuel (objectifs clairs et atteignables), des compétences et une formation adaptées au poste, des règles pour les promotions ; un dialogue sain avec les Instances Représentatives du Personnel (alliés et pas ennemis) ; l’application du droit du travail et la formation des managers.
  • Pour un exercice sain de l’autorité au niveau manager : objectifs, instructions et communication clairs ; bonne circulation de l’information ; formation des collaborateurs, ; anticipation de la charge de travail et temps de récupération ; calibrage des moyens avec les exigences (trop peu de travail peut aussi conduire au bore-out ou à des jeux politiques préjudiciables) ; adéquation du travail donné aux compétences ; un niveau d’autonomie et des feedback constructifs – en parlant de ce que fait le salarié et pas de ce qu’il est. En aidant un salarié à rebondir en cas d’erreur.

Exercer l’autorité de l’employeur nous confronte, en tant que manager, à notre propre rapport à l’autorité, issu de notre vécu. Il peut donc s’avérer utile de prendre conscience de ses propres travers pour les corriger, au travers d’outils tels que le 360 (vision à 360° par ses pairs, supérieurs, collaborateurs…). L’objectif, au-delà d’exercer un management sain,  étant aussi de limiter le risque d’une enquête souvent difficile à vivre, surtout pour un directeur ou une directrice qui n’aurait pas conscience de nuire à la santé d’un(e) salarié(e) par son style de management, par exemple.

6/La charge de la preuve et la sanction diffèrent selon le Code du travail ou le Code pénal

  • Code du travail

Si un salarié se plaint d’être harcelé, l’employeur doit mener une enquête, dans laquelle il écoutera les deux parties de manière impartiale. Au cours de cette enquête, il devra se concentrer sur les faits qui se sont produits et sera amené à interroger plusieurs personnes de l’entourage du plaignant et de l’accusé. A l’issue de cette enquête, si l’employeur considère que les faits sont avérés, il prendra les sanctions nécessaires à l’encontre de l’accusé (de l’avertissement au licenciement). Si l’employeur considère qu’il n’y a pas harcèlement moral, mais que le plaignant porte sa plainte devant les prud’hommes, il devra apporter un faisceau d’indices concordants, et ce sera à l’employeur de prouver que les faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral. La charge de la preuve est allégée pour le plaignant. Si le tribunal considère qu’il y a eu harcèlement moral, l’employeur pourra être condamné à payer une amende et à faire cesser les agissements de la personne accusée.  

  • Code pénal

L’entière charge de la preuve repose sur le salarié harcelé (le plaignant). Si le harcèlement est prouvé, l’amende peut atteindre 30 000€, avec une possible peine de prison (jusqu’à 2 ans).

 

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