« INNOVATION EN ASSURANCE VIE : COMMENT OFFRIR RENDEMENT ET PROTECTION AUX EPARGNANTS ? » – Synthèse du petit-déjeuner du 13 avril 2023

Les contrats d’assurance vie en euros garantissent le capital mais offrent aujourd’hui des rendements inférieurs à l’inflation tout en pesant sur les fonds propres des assureurs. Les contrats en unités de compte, plus rentables, font peser le risque financier sur le seul souscripteur, et n’offrent plus la protection attendue de l’assurance. La remise en cause des avantages fiscaux de ces contrats pourrait-elle resurgir ? Quelles garanties supplémentaires les assureurs peuvent-ils proposer  pour protéger l’épargne de leurs clients ? Comment innover sur ce marché ? Comment dépasser les obstacles à ces innovations ?

Spécialiste des couvertures sur les marchés financiers, Stéphane Vanadia a travaillé pendant près de 20 ans dans les activités « fixed income » de  banques d’investissement,  Lehman Brothers, Nomura et Barclays. Depuis 7 ans, il dirige Munich Re Markets en France et a accompagné plusieurs assureurs-vie français dans la mise en place de solutions innovantes entre fonds euros et unités de compte.

1/ Les facteurs de succès de l’assurance vie en France

• L’assurance vie épargne en France reste le plus important marché de la zone euro, avec près de 1 900  Md€ d’encours gérés.
• L’année 2022 a été une année difficile pour les épargnants, en raison de la crise géopolitique qui a suivi la crise sanitaire, entraînant une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, puis une sous performance significative des actions et des obligations.
• Malgré ces mouvements sur les marchés, les montants sous gestion des assureurs vie sont restés relativement stables, grâce notamment à la part croissante des contrats en unités de compte (UC). Les rachats ont certes augmenté, mais ils sont, pour le moment, restés à des niveaux tout à fait maîtrisables pour les compagnies d’assurance vie.
• Quelles sont les raisons historiques du succès de l’assurance vie, qualifiée de « placement préféré des Français » par la presse ? Ses fonds en euros à retraits et versements libres et ayant enregistré une performance historique supérieure aux taux dit « sans risque »; son cadre juridique et fiscal avantageux; les garanties assurantielles plus ou moins  protectrices associées au contrat.

2/Les facteurs de fragilité de l’assurance vie en France

• Concernant le fonds en euros :
  • Il y a encore 18 mois la majorité des assureurs vie souhaitaient ralentir fortement la vente des fonds euros, dans un contexte de taux d’intérêt bas, de baisse des marges et du poids du capital réglementaire.
  • Les assureurs vie ont, depuis plusieurs années, largement privilégié la vente d’UC, moins coûteuses en termes de capital réglementaire puisque, à la différence du fonds en euros, aucune garantie financière n’est apportée aux assurés sur les UC.
  • Aujourd’hui, avec la hausse importante des taux d’intérêt, les assureurs souhaitent à nouveau vendre des fonds euros afin d’augmenter les taux moyens de leurs portefeuilles obligataires et se prémunir des risques de rachat. Cependant, le fonds euros est aujourd’hui moins attractif que ce qu’il était dans le passé.  En effet, pour la première fois depuis l’année 2000, les taux de l’OAT 10 ans, le taux du Livret A et le taux d’inflation sont tous les 3 supérieurs au taux moyen servi par les fonds en euros pour 2022.
  • La concurrence des Livrets bancaires va probablement s’accélérer dans les mois à venir.
• Concernant le cadre juridique et fiscal :
  • Les spécificités fiscales de l’épargne assurance vie ont été réduites il y a quelques années. Le régime de la succession reste cependant très avantageux.
  • Cependant, dans une vision court terme, la tentation du « tout UC » augmente la dépendance des assureurs vie à l’avantage fiscal et pourrait à terme inciter les pouvoir publics à la convergence des régimes applicables aux différents types de placement .
  • En termes réglementaires, si un jour les assurés avaient la possibilité de transférer leurs contrats d’un assureur à l’autre, tout en conservant l’antériorité fiscale, cela entraînerait une diminution de la durée du passif des bilans des assureurs (et donc de la durée de l’actif) et provoquerait une pression supplémentaire sur le rendement des fonds euros.
• Concernant l’enveloppe assurantielle:
  • L’enveloppe assurantielle reste très intéressante puisqu’elle offre beaucoup de flexibilité aux assurés et permet de retarder l’imposition des plus-values.
  • Cependant la question de la superposition des frais, notamment sur les UC, reste un point d’attention de la part des pouvoirs publics.
  • Là encore, la stratégie du « tout UC » pourrait s’avérer défavorable à terme compte tenu de la concurrence d’autres supports d’investissement.
• Conclusion : Ce qui a fait le succès historique de l’épargne assurance vie semble aujourd’hui fragilisé. Même si le produit garde de nombreuses vertus, les assureurs vie doivent réfléchir à des solutions qui pourraient les aider à croître sans pour autant dépendre trop fortement du fonds euros.

3/Cultiver la spécificité de l’Assurance

• A la différence de la Banque et de la gestion d’actifs, la première vocation des assureurs est d’offrir des garanties et un support de placement à long terme.
• Une des réponses possibles aux menaces actuelles c’est que les assureurs vie reviennent aux fondamentaux de leur métier et mettent plus l’accent sur les garanties assurantielles.
• Des garanties assurantielles sont des garanties sur la valeur de l’épargne investie dans des fonds euros et dans des UC. Ces garanties peuvent intervenir en cas de vie, en cas d’accident de la vie et en cas de décès. Idéalement ces garanties jouent à hauteur de 100% des primes versées.
• La garantie à 100 % des primes versées à tout moment des fonds en euros a un coût élevé et n’est pas forcément nécessaire pour la plupart des épargnants ayant un horizon d’investissement moyen ou long terme. Si la garantie sur la valeur de l’épargne n’est fournie qu’à certains moments clés comme par exemple l’âge de départ à la retraite, les études des enfants, le chômage de longue durée, la dépendance ou le décès, il devrait logiquement couvrir l’immense majorité des besoins.
• Donc, par rapport au fonds euros, l’idée c’est de proposer un schéma gagnant-gagnant aux assurés : la garantie n’est plus à tout moment mais à certains moments clés et couvre ainsi la majeure partie de vos besoins. Par ailleurs, l’espérance de rendement sur l’épargne ainsi protégée est supérieure à celle du fonds en euros.
• C’est ce type de combinaison que certains assureurs vie ont commencé à proposer dont la France Mutualiste qui, avec son contrat Passerelle, a offert des garanties assurantielles à 100% des primes versées sur une combinaison fonds euros + UC.
  • Ce type de garanties assurantielles comporte 3 grandes caractéristiques:
  • Les garanties sont directement portées par le bilan des assureurs vie et pas par l’intermédiaire d’un produit « structuré » souvent complexe, opaque et chargé en frais.
  • Les garanties sont ainsi distinctes du moteur de performance et peuvent être activées ou désactivées à tout moment.
  • Les garanties sont individualisées comme en assurance dommage.

• En conclusion, en développant ce type de garanties et en cultivant leur rôle social de protecteur de l’épargne de long terme de leurs clients, les assureurs vie se préparent à relever les défis auxquels le secteur est confronté :
  • Ils s’arment par rapport aux menaces actuelles qui pèsent sur le secteur et dont nous avons parlé.
  • Ils se différencient par rapport aux autres fournisseurs de produits d’épargne.
  • Ils proposent de l’innovation à leurs clients et notamment aux nombreux assurés qui conservent la majeure partie de leurs avoirs en fonds euros et qui donc recherchent avant tout la sécurité.