« POURQUOI LES CADRES ET LES DIRIGEANTS COMMENCENT-ILS A FAIRE APPEL A UN AGENT ? » – SYNTHESE DU PETIT-DEJEUNER UDAP DU 21 AVRIL 2022
Aujourd’hui, les relations entre entreprises et cadres évoluent. Un jeune diplômé arrivant sur le marché du travail changera 14 fois d’employeur dans sa carrière. Les seniors ne sont plus conseillés dans leur parcours. Comment se faire accompagner pour maintenir son employabilité ? Quels sont les avantages ? Quels sont les défis à relever ?
Spécialiste des ressources humaines, Julien Morisson a créé le Cabinet BE, cabinet d’agent de cadres et dirigeants, et Chasseur de Job, après avoir été DRH au sein de plusieurs grands groupes. Il accompagne au quotidien des dirigeants dans la construction de leur parcours professionnel et est confronté à l’évolution des attentes des entreprises et des cadres. Il s’investit aussi fortement dans les organisations professionnelles et a été Président du Groupe Paris 8ème Elysée de l’ANDRH, pendant 7 ans.
1/ Un nouveau métier né d’un changement des parcours professionnels
Le nouveau métier d’agent de cadres et dirigeants s’inspire de celui d’agent sportif. Sa mission ? Accompagner son client afin qu’il gère au mieux sa carrière.
Ce besoin d’accompagnement des cadres et dirigeants est né d’un changement dans les parcours professionnels. Il y a encore dix ans un cadre, à la fois habile et politique, disposant de bons relais dans son entreprise, pouvait y avoir fait une bonne partie de sa carrière, sans pour autant bénéficier d’un réseau professionnel externe.
Aujourd’hui, le marché de l’emploi des cadres est porteur… jusqu’à 45 ans et les bons profils sont convoités par les chasseurs de tête.
Comment les talents sont-ils repérés ? A 90 % via les réseaux sociaux, LinkedIn en particulier.
Avec un taux de chômage limité à 4 % (catégorie A, au sens du BIT), la catégorie des cadres – statut spécifiquement français – est désormais plus nombreuse que celle des ouvriers.
Mais, sur les 500 000 cadres actuellement au chômage, la moitié d’entre eux sont âgés de plus de 50 ans. Le niveau de rémunération relativement élevé pourrait en partie expliquer la sur-représentation des cadres seniors sans emploi. Un niveau de rémunération élevé – fruit de belles carrières réalisées dans les années 80 et 90 – devenu supérieur aux pratiques du marché. Des cadres et dirigeants seniors qui sont toujours peu enclins à recruter des seniors…
Par ailleurs et pour rappel, la réforme de l’Assurance chômage, avec une décote de 30 % de l’allocation chômage (pour les rémunération supérieures à 4 500€/mois), provient du constat selon lequel les cadres seniors les mieux payés restaient le plus longtemps au chômage.
Sur le marché de l’emploi, la courbe de progression du salaire moyen à l’embauche des jeunes diplômés (y compris des grandes écoles), est bien inférieure à celle suivie par l’inflation. En cumul sur la période 2000 à 2020, alors que l’inflation a progressé de 25 %, le salaire d’embauche des jeunes diplômés n’a augmenté que de 6 à 7 %. Un jeune diplômé gagnait environ 2,5 fois le Smic en 2000. Ce chiffre est tombé à 2 fois aujourd’hui.
D’un côté, une progression des salaires des cadres ayant démarré à un bon niveau initial dans les années 80 et, de l’autre, une insuffisance des salaires d’embauche des jeunes cadres. Résultat : l’écart se creuse entre les générations (60 K€/70K€/brut annuel vs 120 K€/130K€).
Sans réseau professionnel, les opportunités de retrouver un emploi sont donc rares pour un cadre senior qui a passé 15 à 20 ans dans la même entreprise.
Et ce réseau ne se construit pas en 6 mois ! D’où l’utilité de commencer le plus tôt possible, vers 40 ans, car il faut au moins 3-4 ans pour le bâtir et bien le nourrir.
Le client doit aussi entendre les remontées de marché faites par son agent.
Si les conditions sont réunies, le cadre en recherche d’emploi mettra entre 6 et 8 mois à retrouver un emploi.
Autre difficulté rencontrée : après 15 à 20 ans de services dans une entreprise, la rupture peut être vécue comme une trahison, avec une forte demande d’accompagnement et de formation du cadre à l’égard de son entreprise. Pour limiter la souffrance, mieux vaut donc se montrer responsable et autonome, le plus tôt possible dans sa carrière.
Les codes et les pratiques ont en effet évolué, sans que les cadres en aient pris la mesure. Dans ces conditions, mieux vaut s’informer sur les secteurs dynamiques, comme celui du gaming, les NFC et son écosystème de start up.
Dans un environnement plus mondialisé, les jeunes qui entrent sur le marché du travail seraient amenés à changer 14 fois de postes au cours de leur carrière. De nouveaux métiers se créent, y compris dans le métavers ou l’internet du futur, un sujet dans l’air du temps. Comme le gaming, il s’agit de nouveaux métiers et secteurs.
2/ Go-between de l’agent pour forcer le destin.
L’agent suit une approche analytique et chiffrée et s’intéresse d’abord aux compétences de son client (transformation, digitalisation…). Son rôle est donc différent du coach.
Un candidat ne laissant pas de « traces » sur les réseaux sociaux – Tweeter et/ou LinkedIn – grâce à un profil nourri et une activité significative, sera moins facilement repéré par un recruteur.
L’agent joue le rôle de go-between avec les recruteurs, les chasseurs de têtes et chasseurs de jobs. Il accompagne ses clients dans leur quotidien, de préférence quand ils sont en activité, car les entreprises n’investissent pas assez dans la formation de leurs cadres dirigeants, même s’il existe quelques MBA. Quant au CPF, il n’apporte pas de solutions satisfaisantes, avec seulement 5 % de salariés qui y ont recours.
L’agent peut être amené à proposer de réaliser un bilan de compétence et une analyse stratégique avec les cadres en recherche d’emploi. Il connaît des DRH et des chasseurs de tête et peut ainsi tester si le marché répond favorablement à une candidature. Les critères fixes du candidat, sa stratégie de réseau (son lobbying personnel) sont examinés, avant de rencontrer des chasseurs de tête et les RH.
Les clients de l’agent n’ont pas moins de 30 ans, car il faut une expérience significative et le plus âgé a 58 ans. En moyenne, les clients d’un agent ont entre 45 et 53-54 ans, en IDF et en Province.
Une fois par semaine ou quinzaine, des entretiens sont menés pour une présentation du profil et un accompagnement à la valorisation des compétences. Certaines d’entre elles peuvent être actualisées, par un MOOC ou un MBA.
Des analyses juridiques, la relecture du contrat de travail par l’avocat avant signature, des alertes sur des clauses… font partie des prestations.
Au bout de 3-4 mois, si le poste ne convient pas, l’accompagnement par l’agent est poursuivi vers un repositionnement, en identifiant les irritants au préalable. Dans ce genre d’exercice, il est en effet important de se montrer sincère, par exemple sur l’importance relative accordée au cadre de vie, au salaire… Mais, en cas d’échec sur un poste, un candidat revient sur ce qu’il considère comme vraiment essentiel. Et si le cadre de vie est privilégié, il faut accepter de faire des concessions sur le cadre professionnel.
Le client paie à l’agent une somme fixe au démarrage (2000€), puis un pourcentage de la rémunération future (entre 3 et 5%). La somme fixe est payée à nouveau en cas de repositionnement. L’accompagnement dure entre 2 et 2 ans et demi et 70 % des clients de l’agent vont au bout de la mission.
Une centaine de cadres et dirigeants sont accompagnés par le cabinet BE depuis sa création.
3/Répondre aux évolutions dans les entreprises
La culture de l’entreprise est de plus en plus individualiste, consumériste et tournée vers le court terme.
Le rapport à la hiérarchie évolue et on constate une volonté croissante des cadres de ne pas dépendre d’un patron. Avec le travail en mode hybride, les entreprises ont constaté une amplification de ce phénomène et elles suppriment des lignes de management.
Conséquences : les parcours professionnels s’individualisent ; les plus jeunes sont impatients et certains voudraient évoluer au bout de 6 mois dans un poste !
Or, dans l’entreprise, un temps long est nécessaire, tout en jonglant avec le sentiment de déclassement des jeunes cadres.
Côté cadres, pour avoir un coup d’avance, il faut donc investir sur son parcours professionnel. Mais il est difficile de changer les habitudes de construction d’une carrière sur le moyen/long terme. Cette réflexion n’est pas facilitée par le cloisonnement des métiers et des secteurs : les DRH parlent aux DRH, les Directeurs financiers au Directeurs financiers…
Un conseil : accepter une porosité entre les secteurs, être agile et ne pas faire le même métier pendant de trop longues années. Un cadre supérieur doit se poser la question de l’ensemble de ses compétences, car elles ne sont pas que techniques. A noter que certains cadres ne veulent plus être managers, mais travailler en mode projet.
Au chômage, le premier challenge pour un cadre senior est de retrouver un emploi ! Et c’est souvent complexe sur le plan émotionnel.
La prospection permet d’enrichir son réseau professionnel et d’améliorer sa visibilité, en particulier sur LinkedIn, en bénéficiant de l’appui d’influenceurs (plus de 20 000 abonnés) dont 80 % ne sont pas en entreprises. Un bon profil sur ce réseau social B to B, avec des informations et des prises de positions, est un atout.
Une illustration du poids grandissant de LinkedIn dans l’univers professionnel : « Un autre monde », film sorti en salle le 16 février dernier, avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain et Marie Drucker, en tête d’affiche. Julien Morisson, co-fondateur de l’agence « Les années folles », spécialisée dans le marketing d’influence sur LinkedIn, a participé à la campagne de promotion du film, avec le réalisateur, Stéphane Brizé. Ce film traite de la position difficile d’un directeur d’usine soumis à des injonctions contradictoires, sur le sujet sensible de la réduction des effectifs pour baisser les coûts de production. Une décision mal acceptée dans une entreprise qui réalise des profits et des dégâts dans la vie personnelle et professionnelle du directeur. Ce film a fait 500 000 entrées et, phénomène plus rare, une multitude de témoignages et prises de position sur LinkedIn (2 millions de vues du post de l’agence) et 80 000 vues sur le compte de Julien Morisson. Ce film est devenu un événement auprès des DRH grâce à cette campagne…